Les partisans de l’incinération de nos déchets brossent un tableau idyllique de ces installations. Le discours se veut rassurant, technique, professionnel : valorisation énergétique, mise aux normes, contrôle des rejets, etc., jusqu’à présenter l’incinération comme une énergie renouvelable ! En réalité, l’incinération est la plus mauvaise solution pour le traitement de nos déchets, la plus dangereuse, la plus onéreuse ET la plus irresponsable. Or la France a fait, majoritairement, le choix de l’incinération pour le traitement de ses déchets. Il est vraiment urgent de se demander pourquoi. UN ÉNORME GASPILLAGE DE MATIÈRES ET D’ÉNERGIE Tout d’abord, l’incinération contribue à entretenir l’illusion que notre façon de vivre, de produire et de consommer, peut se poursuivre indéfiniment sans conséquence majeure sur notre santé et notre environnement (à l’échelle locale et planétaire). Tout le discours économique sur la croissance repose sur ce dogme. Or les ressources naturelles sont limitées et l’incinération participe à ce gaspillage. Le plus scandaleux est de brûler les matières organiques riches en eau tels que les épluchures de légumes ou de fruits, le marc de café, etc. Avec un taux d’humidité de 70 à 80%, leur combustion nécessite plus d’énergie qu’elle n’en produit. De plus cette matière organique est une précieuse ressource pour fabriquer du gaz par méthanisation et pour fertiliser nos terres au lieu d’utiliser des engrais chimiques potentiellement toxiques. UN PROFIT JUTEUX POUR DES MULTINATIONNALES__ Ensuite, cette « gestion » de nos déchets par l’incinération est une source de profits conséquents pour les 3 multinationales qui se partagent le marché. Par le biais de montages financiers et juridiques, elles font peser sur les collectivités le poids du financement et des risques, se réservant les bénéfices de l’exploitation. En réalité, la combustion de nos déchets est non seulement un procédé coûteux, mais un procédé dangereux. L’incinération ne fait pas disparaître nos déchets, elle les transforme et multiplie leur quantité (air pollué, cendres volantes, eaux de rinçage, mâchefers, etc). UN IMPACT SUR LA SANTÉ PROUVÉ MAIS BALAYÉ SOUS LE TAPIS « Les chimistes ont détecté jusqu’à 2 000 composants nouveaux, inexistants dans les déchets d’origine et qui résultent de combinaisons chimiques subtiles dues à la combustion. » (Source APPEL 2003). Cinquante substances seulement sont contrôlées à ce jour, les quelque 1950 qui restent seraient-elles inoffensives ? Fin 2006, deux études épidémiologiques françaises sur les incinérateurs et la santé ont été publiées par un institut public de l’État, l’InVS (Institut de Veille Sanitaire). La première, « Incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères » , montre très nettement une augmentation des cancers, dans les années 90, chez les personnes qui ont séjourné sous le panache des incinérateurs à partir de 1972 à 1985. La seconde est plus complexe et laisse la porte ouverte à diverses interprétations4. La présentation de cette étude se veut rassurante. On nous explique que, depuis 1990, les rejets en dioxines dans les fumées d’incinération ont beaucoup diminué ; il est mis en avant que les personnes aux alentours d’incinérateurs ne sont pas plus contaminées que les autres, sauf les riverains agriculteurs et consommateurs de produits animaux locaux dont le taux de dioxines est plus élevé. Par contre, dans une zone épargnée située en montagne, ce taux est plus bas. Plusieurs points nous semblent importants à souligner. D’abord, c’est le fait que certains riverains sont particulièrement contaminés. En outre, au vu de ces résultats, on peut penser que les incinérateurs contaminent non seulement les riverains mais l’ensemble de la population et cela surtout par le biais de l’alimentation. En effet, les animaux et les végétaux chargés en dioxines entrent dans le système agro-alimentaire industriel qui les mélange et les disperse sous forme de produits de consommation à travers toute la France. De plus, suite aux récentes mises aux normes, les émissions de dioxines par tonne de déchets ont certes diminué, mais les tonnages de déchets incinérés ne cessent d’augmenter. Cette diminution proclamée est-elle suffisante ? Personne ne connaît la dose à laquelle les dioxines seraient inoffensives. Et puis, que dire à ceux qui ont subi par le passé des fortes expositions ? L’étude d’imprégnation devait tranquilliser les riverains ? En fait, elle doit surtout alerter l’ensemble des citoyens, il est possible que nous subissions tous des retombées de dioxines, même en habitant loin des incinérateurs ! Et pourquoi parle-t-on si peu de l’étude « Incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères » qui prouve qu’il existe bel et bien une augmentation des cancers autour des incinérateurs ? CHAQUE INCINÉRATEUR CONSTRUIT INCITE A AUGMENTER LA PRODUCTION DE DÉCHETS Pour être rentable, ces usines réclament des quantités toujours plus importantes à incinérer. En Haute- Garonne, par exemple, sur le site de Bessières, le tonnage de déchets incinérés est passé de 155 000 à 170 000 t/an. Sur le site du Mirail, en plein Toulouse, de 210 000 à 330 000 t/an. Quant au site de Ginestous, autorisé pour 8 000 t/an, il pourrait brûler jusqu’à 14 000 voire 20 000 t/an de boues d’épuration. Nous avons à craindre des augmentations de tonnage sur tous ces sites du fait que les marchés publics prévalent sur les plans départementaux, ce qui les rend partiellement inefficaces. Enfin, et ceci est lourd de conséquence pour l’avenir, chaque incinérateur qui s’installe gèle pour des dizaines d’années toute évolution vers une gestion plus écologique des déchets (réduction des déchets à la source, recyclage, compostage des déchets organiques, etc.). La construction d’un incinérateur est envisagée près de Saint-Gaudens pour 2012. Nous devons tout mettre en oeuvre pour proposer d’autres solutions. L’expérience de Manspach, village alsacien, montre que sensibiliser la population à la réduction des déchets à la source prend environ 4 ans, pour des résultats durables, tandis que construire un incinérateur prend 7 à 8 ans avec tous les inconvénients mentionnés précédemment. On peut lire à ce sujet « Déchets ménagers : le jardin des impostures » de Dany Dietmann aux Editions l’Harmattan. DES SOLUTIONS SIMPLES EXISTENT Nous produisons en moyenne 360 kg de déchets par personne et par an. Il est possible de les réduire de façon conséquente comme en témoigne l’expérience de Christian : « Notre famille de 4 personnes a sorti sa poubelle de 110 litres 15 fois dans l’année (les voisins doivent être proches de 100 fois). Le poids total de nos ordures partant ainsi en décharge ou à l’incinérateur était de 107 kg pour l’année, soit à peine 27 kg par personne. Pour arriver à ce volume, nous n’avons rien inventé, nous avons simplement appliqué le bon sens (compostage, tri, courses au marché, fromage et viandes à la coupe, presque jamais de pré-cuisiné, achat d’une yaourtière...) ». A chacun d’explorer de nouvelles pistes pour privilégier les circuits courts du producteur au consommateur comme les marchés de plein vent, les AMAP, etc. (Les grandes surfaces sont de grandes génératrices de déchets et d’emballages). Une politique volontaire de réduction des déchets à la source, auprès des particuliers et surtout des entreprises éviterait la construction de nouvelles gigantesques installations à feu que sont les incinérateurs de déchets, et permettrait même d’en fermer certaines