"LES HABITANTS DES QUARTIERS PARLENT AUX MEDIAS"
Une exposition photographique d'Ettore Malanca
Cette exposition constitue le fil rouge d'une enquête qui a débuté en septembre 2010, avec l'appui de l'ACSE Nord-Pas-de-Calais et d'Agora FM (Alpes Maritimes). Le constat initial était celui de la méfiance généralisée, dans les quartiers populaires, à l’égard des médias.
Le Nord-Pas-de-Calais n’échappait pas à cette réalité.
C’est dans cette région que nous avons débuté notre enquête qui nous a conduit à travers l'Europe.
A Maubeuge, le quartier des Provinces Françaises s’offusquait contre le reportage « Peur dans la cité » tourné par l'équipe de Sept à Huit (TF1).
A Lille Sud, un homme nous racontait comment on lui avait ajouté une fausse barbe pour illustrer une émission sur "l'intégrisme".
Nous avons exploré une dizaine de quartiers populaires du Nord-Pas-de-Calais, y avons rencontré de nombreux habitants frustrés, révoltés, parfois meurtris face au traitement médiatique dont ils font l’objet.
Nous avons recueilli leur analyse, leur colère et leurs revendications.
Nous sommes aussi allés à la rencontre d’habitants engagés, dans le secteur associatif ou à titre personnel.
Des habitants qui ont dépassé ce mécontentement pour agir et transformer un discours médiatique qu’ils ne considèrent pas représentatif de leur réalité. Ils s’en sont emparés pour le faire vaciller, pour proposer une alternative.
Nous n’avons pas non plus oublié les professionnels de la pensée, de l’information ou de l’image qui réfléchissent et questionnent constamment leurs pratiques dans ces territoires.
Nous avons tendu le micro à ceux qui tentent, en empruntant des chemins de traverse parfois difficiles, de parler plus justement de ces zones urbaines dites « sensibles ».
Sensibles, ces habitants le sont, partout en France.
Dans une deuxième phase de l’enquête, nous les avons rencontrés, de Grenoble à Nice, en passant par Villeurbanne ou Marseille, ces habitants avides de politique. Avides de lien social, d’engagement, de débat, tout en rejetant les étiquettes des partis et les discours des élus. Des habitants sensibles à une information différente.
Une info du quotidien, de la banalité. Une info qui décortique et analyse les enjeux d’un territoire, sans tabou mais en refusant de se contenter de clichés vendeurs. Une info qui leur donne la parole, qui remette leurs préoccupations quotidiennes au cœur de débats nationaux et d’enjeux politiques. Sensibles, ces habitants le sont, partout en France, à l’image qui leur est renvoyée par les médias. Car les clichés ont la peau dure.
Souvent, ces hommes, ces femmes, ont l’impression que leur parole, leur image leur échappe, déformée parfois, souvent incomplète.
Dans chacun des quartiers de France que nous avons visités, les habitants dénonçaient le choix médiatique d’un prisme policier, solution de rapidité et de confort, ainsi qu’un suivisme de l’agenda politique. Trop peu d’immersions, trop peu d'enquêtes de terrain pour décrypter les enjeux de ces territoires.
Cette fracture médiatique est-elle spécifique à l'Hexagone ? Retrouve-t-on chez nos voisins les mêmes questionnements, les mêmes points d’achoppement ?
Nous sommes allés à Glasgow, en Ecosse, à la rencontre des habitants du quartier désindustrialisé de Govan. Laissés en marge, ils luttent pour leur reconversion professionnelle et sociale et pour une révolution des représentations.
En Slovaquie, nous avons découvert un quartier qui concentre, après des années d’une politique urbaine de relégation, 6000 Roms, avec 99% de chômage.
Là-bas, les aides de l’Union Européenne ne parviennent pas à endiguer leur ghettoïsation et leur discrimination.
Nous avons analysé le traitement médiatique et politique des émeutes de Londres, en août 2011, un discours privilégiant l’idée d’un effondrement moral de la famille, évinçant tout mécanisme social structurel. Tous ces questionnements nous ont amenés, jusqu’en Suisse.
Car c’est bien une équipe de journalistes suisses qui décidait, en 2005, de s’immerger trois mois en banlieue parisienne, à Bondy, pour comprendre les révoltes qui agitaient l’Hexagone.
Refuser le reportage de guerre et le décompte de voitures brûlées pour tenter de comprendre le fond des choses, de saisir les rouages sociaux d'un malaise.
Ni misérabiliste, ni sécuritaire, cette exposition tente de décaler les représentations, de briser le miroir déformant à travers lequel nous percevons les quartiers populaires.
Pour une fois, laissons les habitants des quartiers parler aux médias...
Retrouvez la version PDF de l'enquête sur notre site : http://agoramiroir.e-monsite.com/