GRASSE A TOUS

Professeur de Lettres, poète et critique littéraire, Yves Ughes est une personnalité culturelle très connue à Grasse et bien au-delà. Son action en faveur du théâtre et de la poésie a marqué des générations de collégiens et de lycéens. Il a envoyé à Grasse à Tous un très beau texte dans lequel il explique son soutien à la démarche initiée par Paul Euzière.

Extraits:
 

"(...) Il est évident que la République ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Et le débat républicain va de pair avec la santé d’une cité, il la nourrit et la consolide. Le consensus s’avère aussi dangereux que l’opposition systématique. Il convient d’avoir la maturité nécessaire pour affirmer ses opinions, tout en écoutant l’autre. Il est sain d’avancer des idées nouvelles tout en ne négligeant pas les points positifs réalisés par l’autre bord. Participer au débat s’impose donc comme un devoir, et non pas comme une dérive coupable (...).

A partir de ces éléments de réflexion, j’ai donc décidé d’intervenir –modestement, à mon niveau et avec mon approche personnelle- dans la campagne des élections municipales de l’année 2008. Et je le ferai en apportant mon appui à la liste proposée par Paul Euzière.
Parce que je suis profondément attaché à notre culture républicaine, parce que je crois en la diversité. Pour que naissent aussi de nouveaux espoirs dans notre cité.

Bien entendu, la presque totalité de notre population se reconnaît dans l’idée républicaine, et toutes les listes s’en réclameront.
Qu’un tel socle existe dans notre pays ne peut être que réconfortant. C’est à ce prix que nous vivons ensemble, malgré nos oppositions. Il reste cependant à cerner avec précision le contenu que l’on donne à ce mot ; à  mon sens, le terme ne peut survivre aux réalités et s’imposer comme une réalité que s’il est associé à trois autres mots : probité, sociale, et devenir.

Montesquieu l’affirmait déjà en son temps : la République ne peut fonctionner sans vertu. Les citoyens délèguent aux élus un mandat qui impose des devoirs précis. Si l’on souhaite que la formation citoyenne aille en se développant, notamment chez les jeunes, il faut que ce mandat soit honoré par la transparence, par une concertation permanente et par une droiture sans faille. C’est à ce prix que peut se bâtir l’évolution d’une ville, et que l’on peut avoir confiance dans la démarche politique.

Dans cette perspective, Paul Euzière me semble être celui qui porte le mieux et le plus loin cette notion de probité sans laquelle le mot républicain ne peut que s’abîmer, tomber dans l’abîme du vocabulaire vide. L’attachement à son métier, son indépendance vis à vis de toutes les puissances d’argent, son combat permanent contre ce qui étouffe notre Côte d’Azur se présentent comme des garanties solides. Il honore le mot engagement par la pratique qu’il a développée depuis plus de quarante ans dans la ville. Son combat politique n’a jamais été doublé d’avantages personnels, et son action a toujours été dirigée dans le sens du bien collectif. Son travail d’élu en fait d’ores et déjà un interlocuteur respecté et écouté, y compris par ceux et celles qu’il combat. Il serait temps que ce potentiel accède à des responsabilités plus larges.

Sauf à tomber dans l’incantation politicienne, la République a besoin de connaître une assise sociale qui doit aller en se développant (...). 
(...) Dans la course qui fait rage, certains, sur le stade de la compétitivité, ont les chaussures adéquates, les tenues adéquates et performantes alors que d’autres doivent courir avec ce qu’ils peuvent, entravés par des charges qui menacent lourdement leurs chances de succès.
Rétablir autant que possible des conditions d’égalité ne relève pas de la compassion, ou de la charité, mais de l’efficacité humaine et économique. Nous savons bien que les quartiers réputés difficiles sont des réserves d’avenir. Une culture y demeure, faite de proximité et de solidarité, et les jeunes qui connaissent l’exclusion sont le plus souvent chargés d’une réflexion et d’une maturité vivaces. L’inventivité et la créativité sont fréquemment associées à la lutte, et libérer les énergies de ces quartiers, leur donner les moyens de se développer ce n’est pas simplement contribuer à l’harmonie de la ville, mais aussi créer les conditions d’un développement humain et collectif.
Dans ce domaine également, ce que Paul Euzière a accompli par le passé, ses interventions permanentes en direction des plus en difficulté peuvent augurer de ce qu’il fera à coup sûr dans l’avenir.

Enfin la dimension républicaine d’une cité a besoin d’avenir. S’il est vrai que le concept de République n’est jamais accompli, s’il est exact que l’idéal républicain est toujours en formation, il revient aux villes d’être le creuset des progrès démocratiques à venir. (...)
(...) Il reste à installer des règles morales qui ne peuvent voir le jour que si elles se trouvent conjuguées à des concertations véritables. Un mandat municipal s’étend sur un long temps, il demande sans doute ajustements et corrections. La population est majeure et doit être informée en permanence, elle doit pouvoir se prononcer sur les grands chantiers quand ils se mettent en place, et non seulement lors des rendez-vous électoraux. Elle doit savoir où va la ville.
"Rendre Grasse aux Grassois", ce titre de campagne me semble de bon augure. Il souligne la nécessaire implication de tous et de toutes.
Une ville se compose de strates, et nous ne sommes pas tous Grassois de naissance, un travail s’impose donc pour que nous le devenions. On devient effectivement citoyen d’une ville comme on devient homme et femme : par l’action, par l’adhésion et la participation aux projets.
Notre diversité d’origine peut conduire au pire, à l’exclusion, au racisme ordinaire, à la ghettoïsation des esprits. Et nous savons où cela mène.

Nul ne peut vivre sans projets collectifs. Ce n’est pas la consommation qui peut nous combler, ni la vie par procuration que nous donnent les médias avec les avilissements présentés en spectacle. Ce ne sont pas les frasques d’un président qui peopolise la politique pour mieux voiler les effets de son action politique : je serai servile avec les puissants et implacable avec les faibles. 

Une ville s’offre à nous tous comme une structure humaine de réalisation, elle peut nous amener à développer une action collective, dans laquelle chaque individualité trouvera des ferments d’accomplissement.

Dans le Contrat Social Jean-Jacques Rousseau présente une phrase que je fais ici mienne et qui résume les raisons de mon adhésion à la liste conduite par Paul Euzière :
« je préfère les dangers de la liberté au calme de la servitude » 

Yves Ughes,
Grasse, le 31 décembre 07