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 "CHÂTEAU DITER" : LE CONSEIL D'ETAT A TRANCHE !

POUVOIRS PUBLICS ET MUNICIPALITE DE GRASSE DOIVENT MAINTENANT AGIR

Note : 4/5 (9 notes)

 



 Il aura fallu presque vingt ans pour que le droit reprenne ses droits à Grasse.

Vingt ans de procédures, d’appels, de renvois et de demi-mots, avant que le Conseil d’État ne vienne, enfin, mettre un point final au scandale du Château Diter.

Le 15 octobre 2025, la plus haute juridiction administrative a jugé ce que tout le monde savait depuis longtemps : le permis de construire de 2006 était frauduleux.

La société Agni Formation SRL, héritière du chantier pharaonique, est déboutée. Et le Château Diter redevient ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : une illégalité démesurée de pierre et de marbre.

 

Une fraude habillée de rêve

L’affaire a commencé banalement. Une société  -alors baptisée Lou Joy- demande en 2006 un permis “d’extension d’une maison existante”. Derrière cette formule anodine se cachait un tout autre dessein : la construction de bâtiments de 3000 m2  au cœur d’une zone naturelle, défricher des espaces boisés classés, relier plusieurs bâtiments édifiés sans autorisation, creuser, bâtir, agrandir, tout en maquillant les chiffres et les plans.

Les juges du Conseil d’État ont parlé sans détour : la société a “intentionnellement trompé l’administration sur la réalité de son projet”.

Ils confirment ainsi ce qu’au Pénal, le Tribunal de Grasse en 2017, la Cour d’Appel d’Aix en  Provence en , puis la Cour de cassation en  avaient jugé de manière constante.

La fraude ne faisait pas débat. Elle ne le fait définitivement plus maintenant.

La galerie souterraine reliant les maisons, achevée dès 2008, la présentation de surfaces fictives, l’exploitation commerciale du domaine dès 2011 : tout prouve la volonté de contourner lois et règlements.

Les délits d’urbanisme et environnementaux ont été méthodiques durant des années.


La prudence extrême du Préfet et le très surprenant jugement du Tribunal Administratif de Nice

Et pendant ce temps ? Rien.

Les condamnations pénales s’accumulaient, les jugements administratifs se contredisaient, et le Château Diter demeurait là, défiant la République du haut de ses balustres.

Lorsque, le 6 mars 2023, Paul Euzière interroge le préfet des Alpes-Maritimes sur l’exécution des démolitions ordonnées par la justice, le nouveau Préfet Hugues Moutouh répond, tout en prudence (24 octobre 2023) : « Les services sont pleinement mobilisés pour que les mesures qui doivent être prises soient effectivement mises en œuvre, mais celles-ci doivent être réalisées dans le respect des obligations et des responsabilités qui s’imposent à l’Etat ».

Une prudence extrême qui est sans doute inspirée par le jugement du Tribunal Administratif de Nice qui, à la surprise générale et à l’encontre des jugements des tribunaux de Grasse, de la Cour d’Appel et celui -irrévocable- de la Cour de Cassation a estimé le 31 mai 2023 que le Permis de Construire de 2006 n’avait pas été obtenu de manière frauduleuse…

Le 29 août 2024, les élus "Grasse à Tous" s’adressaient à nouveau au Préfet en l’interpellant aussi sur la question des astreintes pour non-démolition à payer à la Commune (500 € par jour).
Ils attendent encore la réponse.


Le droit l’emporte, enfin

Le Conseil d’État, dans sa décision du 15 octobre, a réparé cette lenteur. Il a annulé le jugement du Tribunal Administratif de Nice, confirmé le retrait du Permis de 2006, et condamné la société Agni Formation SRL à verser 3 000 € à la commune de Grasse et aux riverains.
Surtout, il a rappelé une règle fondamentale : un acte administratif obtenu par fraude peut être retiré à tout moment.
Le droit, fût-il patient, ne se prescrit pas devant le mensonge.

 

Une leçon pour la Côte d’Azur

L’affaire du Château- Diter est bien plus qu’un contentieux d’urbanisme. Elle est emblématique d'un état de non-droit.
C’est une parabole.
Celle d’un territoire où le béton se prend parfois pour le soleil, où l’argent croit pouvoir tordre la loi, et où la puissance publique tourne trop souvent la tête pour ne pas voir ce qui dérange.

Mais c’est aussi l’histoire d’une résistance : celle de voisins opiniâtres, d’une avocate exceptionnelle aussi brillante que tenace et des élus « Grasse à Tous » tout aussi déterminés dans leur exigence de voir appliquer à Grasse une loi qui doit être égale pour tous.

Et si la justice a mis vingt ans à venir, elle vient. C’est cela, aussi, la République, lorsque les citoyens ne baissent pas les bras : le triomphe, lent mais sûr, du droit sur la démesure et le mépris des lois et des règlements qui doivent s’appliquer à tous.

Il appartient maintenant à la Préfecture et à la municipalité de Grasse -qui ont trop longtemps tergiversé- de faire, enfin, exécuter les décisions de Justice

 Lire l'arrêt du Conseil d'Etat