La Commissaire Enquêtrice a rendu son rapport sur le projet de Déclaration d’Utilité Publique sur les périmètres de protection du canal de la Siagne, qui a fait d’une presque unanimité des avis formulés sur le registre d’Enquête Publique.
Fait extrêmement rare, à l’issue de ses conclusions, elle émet après une analyse approfondie, un avis défavorable, soulignant plusieurs lacunes et incohérences, ainsi que des tensions importantes avec les riverains et élus des communes concernées.
L’association et les élus « Grasse à Tous » qui se sont prononcés contre ce projet de DUP (voir ce même blog) se réjouissent de cet avis défavorable qui rejoint leurs remarques et avis.
Un dossier jugé complexe et flou
L’un des principaux reproches concerne la complexité et le manque de clarté du dossier. Selon la Commissaire Enquêtrice, le dossier est trop technique, difficilement compréhensible pour le grand public et contient de nombreuses incohérences.
Les plans parcellaires, le recensement des tunnels vulnérables et certaines données, comme l’étude ARCADIS de 2006, sont obsolètes, ce qui nuit à la précision de l’information.
Périmètres de protection et servitudes jugés excessifs
Le projet prévoit des périmètres de protection de 10 mètres de chaque côté du canal, une mesure jugée trop uniforme et sans distinction entre les zones souterraines et celles en surface.
Cette approche est perçue comme manquant de fondement scientifique solide. De plus, les servitudes restrictives, telles que l’interdiction de construire, de planter ou d’exploiter des terres agricoles, sont considérées comme disproportionnées, notamment pour les parcelles en contrebas du canal.
Les indemnités proposées, qui s’élèvent à 984 170 euros, sont également jugées insuffisantes pour couvrir la dépréciation des biens et les coûts liés à la mise en conformité des propriétés.
De fortes oppositions locales
Les maires des communes concernées (Grasse, Mougins, Peymeinade, etc.), considèrent que les PLU existants offrent déjà une protection adéquate pour le canal et ils demandent une révision du projet.
De leur côté, les riverains ont exprimé de vives inquiétudes concernant les risques éventuels d'expropriation, la dégradation de leur cadre de vie et les restrictions sur les aménagements comme les clôtures et la végétation.
Problèmes environnementaux et réglementaires
La Commissaire Enquêtrice remet également en cause la qualification du canal comme "ressource en eau", une interprétation légale qui pourrait poser problème, le canal ne correspondant pas à un cours d'eau naturel.
Elle souligne par ailleurs que les mesures contre la pollution proposées dans le projet ne répondent pas aux véritables sources de pollution, telles que les ruissellements routiers ou les activités industrielles en amont. Ce que « Grasse à Tous » a souligné dans son dire.
Des recommandations pour réajuster le projet
Face à ces critiques, plusieurs recommandations sont émises.
Il est proposé d'adapter les périmètres de protection en fonction de la topographie, de clarifier les servitudes pour permettre certaines activités comme l'agriculture biologique, et de mettre à jour les études sur les sources de pollution.
La Commissaire Enquêtrice insiste également sur la nécessité de renforcer la concertation avec les riverains, les agriculteurs et les associations locales pour mieux intégrer leurs préoccupations et favoriser une gestion future partagée du canal.
Conclusion : un projet à revoir
En conclusion, la commissaire enquêtrice rejette le projet en l’état et demande une refonte complète du dossier.
Elle critique le manque de rigueur scientifique, la consultation insuffisante des parties prenantes et les mesures disproportionnées proposées.
Selon elle, une version révisée du projet devrait prendre davantage en compte les spécificités locales et privilégier un dialogue plus inclusif pour concilier la protection de l’environnement, le respect du patrimoine et les droits des riverains.